A Propos
24 février 2022, la Russie lance une offensive militaire contre l’Ukraine, tentant de l’envahir.
Des milliers d’Ukrainiens quittent leur pays en quête d’une terre d’asile. La France est l’une d’elle.
Juillet 2022, je quitte Paris pour m’installer à Nice. Au même moment une famille Ukrainienne fuyant la guerre emménage sur le palier d’en face, mes nouveaux voisins. Cette rencontre m’a touché en me confrontant directement à la condition de ces personnes, obligés de fuir leur pays, leurs proches, leurs racines, leur quotidien.
« Nowhere Is Everywhere » présente des réfugiés, hommes, femmes, enfants qui, pour la plupart, ont tout perdu, tout laissé derrière eux, certains ne reverront sans doute jamais leur pays natal.
Arrachés à leur monde, exilés, ils doivent se reconstruire dans un lieu qu’ils ne connaissent pas, qu’ils n’ont souvent pas même choisi, apprendre à nouveau, trouver de nouveaux repères. Langue, travail, administration, autant de défis, autant de nouvelles sources d’angoisses et d’isolement.
Les pathologies engendrées par cet exil forcé sont multiples. Le mal du pays est bien sûr la première à laquelle on pense, devoir quitter son pays de façon si précipitée ne laisse personne indemne. S’y ajoutent la nostalgie, la peur, l’impuissance, la colère, la tristesse.
Puis il y a ce sentiment de solitude, d’isolement. La solitude face à sa famille, à ses amis que l’on ne voit plus, que l’on a perdu ou dont on n’a plus que peu ou pas de nouvelles. L’isolement face à son passé, sa vie d’avant. La solitude face à son nouveau quotidien, le sentiment de n’être à sa place ni ici ni ailleurs. Cette solitude qui vous habite, qui vous ronge tel un cancer.
Mon travail ne cherche pas à témoigner des nouvelles conditions de vie de ces personnes. Il a pour intention de mettre en lumière la solitude, l’isolement qui les habitent et tendent à gagner en intensité au fil du temps pour certains d’entre eux.
Aussi, je les présente seuls, décontextualisés, face à eux-mêmes, face à l’immensité de ce qu’ils ont à accomplir. Car même si l’on est entouré, on reste seul face à ses traumatismes intérieurs et à ce déracinement.
Comme téléportés dans un nouveau monde qu’ils découvrent, seuls face aux défis qui sont désormais les leurs et qu’il leur faut affronter quotidiennement, face à leur passé, tout en devant cohabiter, pour certains d’entre eux, avec le sentiment qu’ils ont abandonné leur patrie, leurs proches, leurs amis, tels des déserteurs, ou pire, des ennemis.
Les images, mises en scène, illustrent plutôt qu’elles ne témoignent, la photographie envisagée comme hyperbole d’une réalité souvent ignorée.
L’image, pour peut-être s’accepter un peu plus, pour traduire avec ses moyens propres ce que l’on ressent et que l’on ne peut exprimer par des mots que souvent vos interlocuteurs ne comprennent pas. Une image pour raconter.
Entre résilience et souffrance ces images nous interrogent aussi sur notre regard face aux réfugiés, face à ces gens dont nous ne connaissons rien et dont le sort et l’histoire les ont contraint à quitter leur patrie ; ces personnes dont notre regard se détourne aussi souvent sans chercher à connaitre ou à comprendre.